C’était le thème du dîner-débat organisé vendredi soir par monsieur le maire de Venelles et La Provence de ce matin en a publié un compte rendu succinct… mais suffisant pour provoquer la colère d’un lecteur et ce billet que je vous livre in extenso comme je l’ai reçu.

Un dimanche après-midi pluvieux donc propice à la réflexion.

La lecture d’un article de la gazette locale, petit bijou de désinformation, que les plus optimistes mettront sur le compte d’une inénarrable ingénuité journalistique, venait asticoter les neurones du lecteur dont les yeux déchiffraient le titre, qui se voulait humoristique : « La corruption politique se dissout-elle dans l’eau ? ». L’eau tombant, alors, en abondance, la réflexion se portait tout naturellement sur l’entame du chapeau, à savoir la corruption politique, là déjà, l’esprit critique, se mettant en branle, ne pouvait que noter la réduction d’une question de morale collective au seul champ de la politique.

« Transparency International » qui se bat contre la corruption dans le monde donne à ce terme une définition très large : « La corruption est l’abus de pouvoir reçu en délégation à des fins privées », ce qui va infiniment plus loin que le seul domaine du politique, puisque « le pouvoir reçu en délégation » peut venir du secteur privé comme du secteur public et que les « fins privées » peuvent profiter à d’autres qu’au détenteur du pouvoir (familles, amis…). On s’aperçoit alors que chacun de nous est concerné dans la façon qu’il a de fonctionner dans la société, dans ses rapports aux autres, aux administrations, aux élus… c’est en cela que la corruption relève de la morale collective. Rejeter la faute sur l’autre est une habitude bien commune (il n’y a pas que dans les cours d’écoles que l’on entend « c’est pas moi c’est lui »), et il est bien commode de pointer les délits de certains hommes politiques en omettant de se demander comment on en est arrivé là. Certes, les élus qui s’adonnent aux « petits arrangements » doivent en répondre devant les tribunaux, mais ne sont-ils pas l’arbre qui cache la forêt ? Des élus auraient-ils osé ce qu’ils ont fait, si la société, dans son ensemble, avait un comportement irréprochable. N’avons-nous pas tous à nous poser la question, « et moi suis-je vraiment blanc/blanc ? » : qui n’a jamais essayé de « faire sauter un PV » en demandant au frère du cousin de la belle-mère qui travaille là où il faut ? qui n’a jamais remis un mot de recommandation à quelqu’un de bien placé pour qu’il jette un œil bienveillant sur tel ou tel dossier, ou sur telle copie ? qui n’a jamais profité de sa situation sociale ou professionnelle pour impressionner, se tirer d’un mauvais pas ou en dégager un bénéfice ne serait-ce que moral ?… Les exemples sont nombreux, et, c’est vrai qu’il est difficile de faire la différence entre ce qui garde la dimension transactionnelle et ce qui tombe dans la dimension d’extorsion, entre les pratiques sociétales légitimes et celles qui sont répréhensibles, entre les pratiques commerciales admises et le marchandage… Mais pour combattre la corruption il est essentiel qu’elle soit reconnue comme telle, les « bonnes excuses » sont un frein imparable au changement au même titre que le sentiment que « de toute façon on n’y peut rien » ou la crainte des représailles.

Et pourquoi refuser la corruption ? Certains avancent qu’elle permet de mettre de l’huile dans les rouages des sociétés figées, il n’en n’est rien : les conséquences de la corruption sont particulièrement létales pour la société en ralentissant le développement économique et social (alourdissant les coûts des entreprises…), en favorisant les pratiques discriminatoires et l’arbitraire, et, au-delà en sapant complètement l’État de droit et la crédibilité des institutions.

Quel serait l’avenir d’une démocratie où tout ne serait que « petits arrangements entre amis » ? Pourrait-on encore parler de démocratie ? Ou aurait-on affaire à une ploutocratie où la richesse résiderait dans l’entregent ?