[tab:Conférence]

Merci à l’association “Protection des demeures anciennes et paysages aixois” pour avoir organisé la conférence de Jean-Marc HÉRY qui nous a fait découvrir Louis-Félix CHABAUD cet immense sculpteur ignoré de tous… Nous étions une poignée de Venellois (parmi une cinquantaine de personnes), vendredi après-midi, rue des Muletiers à Aix pour écouter JMHraconterCHABAUD. Quel enthousiasme ! Quelle passion ! Quelle érudition ! Pendant 90 minutes, JMH a captivé son auditoire et répondu à nos questions. Il a bien voulu me communiquer un résumé de sa conférence à l’intention des Venellois. Le texte et les photos représentant une bonne quinzaine de pages, je les publierai par morceau tout au long de la semaine prochaine.

[tab:Intro]

– Comment se documenter sur un inconnu ?

Il existe deux types de sources qui sont susceptibles de nous aider dans notre démarche de découverte de l’œuvre de Chabaud :

    Les sources orales

  • Anecdotes transmises par les héritiers de Louis-Félix Chabaud mais qui présentent néanmoins les défauts de l’oralité : manque d’objectivité, transformation de la tradition…
    Les sources écrites

  • Les archives appartenant aux héritiers de Chabaud, plus de150 documents, croquis et textes ont ainsi pu être recensés.
  • Les archives de l’opéra de Paris (fonds Garnier) qui présente l’inconvénient de n’être pas encore totalement disponible, Madame Garnier ayant insisté à la mort de son mari pour qu’un délai de 100 ans soit respecté avant l’ouverture du dit fond et sachant que depuis le traitement antifongique des documents ne constitue en rien une priorité de la BNF.
  • Le Nouvel Opéra de Charles GARNIER (1878), ouvrage publié en deux volumes, seul le premier est actuellement réédité.
  • Le nouvel Opéra de Charles Nuitter, premier archiviste de l’opéra (1875), ouvrage actuellement indisponible.

– Plan de la conférenceCharles Garnier, architecte de l'opéra de Paris

  • Le sculpteur
    • Voyage en Italie
    • Une amitié, Charles Garnier
    • Les raisons d’une notoriété décevante
  • Le provençal
    • Homme politique, archéologue…
  • Préservation du patrimoine

[tab:Le sculpteur]

Le sculpteur

Louis-Félix Chabaud est né le 14 mars 1824 dans une famille relativement aisée. Tout d’abord mentionné dans les registres de l’école communale de Venelles, il entre très vite comme apprenti chez un boulanger de la rue Boulegon à Aix-en-Provence. Une légende tenace veut qu’il aurait appris les rudiments de la sculpture sur de la pâte à pain… toutefois, ces héritiers mentionnent un autre épisode intéressant.

Alors qu’il n’avait pas plus de 14 ans le jeune Chabaud était déjà orphelin. Placé chez le marbrier Raimond, il aurait assisté à une scène qui aurait changé sa vie. Une femme venait de perdre ses deux enfants et souhaitait faire réaliser un monument funéraire en marbre représentant deux chérubins entrelacés. La composition paraissait si complexe que le marbrier renonça à la produire. Pourtant, le jeune Louis-Félix proposa ses services. L’artisan pris cela pour une boutade mais finit pourtant par lui donner sa chance, et quelques temps après, le travail fut terminé et si bien accompli qu’il fut décidé de compléter sa formation, d’abord auprès des écoles de dessin d’Aix, puis à l’école royale des beaux arts de Paris, sur recommandation de Joseph Ramus, l’auteur des statues de Joseph-Jérôme, comte Siméon et de Jean Étienne Marie Portalis (promoteur du Code civil) devant le palais de justice d’Aix en Provence.

À Paris, il suivra les cours de James Pradier, dont le goût prononcé pour la mythologie et la culture classique n’a pas manqué d’influencer le jeune étudiant.

Fort de ses résultats, Chabaud décide alors, en 1847, de présenter le grand prix de Rome dans la catégorie « gravure de médailles et de pierres fines ». Son travail sur Hermès forgeant le caducée retint l’attention du jury et en 1848, il intégra pour 4 années la villa Médicis. Commença ainsi un périple italien, guidé par le traditionnel Baedecker : Rome, Florence et bien sûr Naples, Pompéi et Paestum.

Cet itinéraire, proche de celui de Stendhal, allait lui permettre de parfaire sa culture classique. La région napolitaine, avec ses vestiges romains et ses ruines grecques devait lui permette de développer son sens de l’ornementation : il allait s’inspirer tout le reste de sa carrière des grotesques vues à Pompéi, des guirlandes, volutes et frontons des villas romaines.

L’occasion lui fut offerte aussi de se lier avec d’autres prix de Rome qui résidaient à la villa Médicis en même temps que lui, le plus fameux d’entre eux demeurant Charles Garnier.

Une solide amitié lia les deux hommes et il n’est pas étonnant que Garnier sollicite par deux fois le jeune ornementiste pour travailler avec lui. Pour autant Chabaud demeure, de par ses écrits, un personnage étonnant : probablement épicurien, il s’est toujours senti profondément attaché à la commune de Venelles dont il fut même le maire de 1865 à 1870, alors qu’il commençait à travailler sur l’opéra de Paris.

Ses croquis, ses gouaches, témoignent de son gout prononcé pour l’art italien, pour les arts de la renaissance et pour les arts de l’époque romaine (en particulier l’art des fresques).

Louis-Félix Chabaud, esquisseSur Venelles, de nombreux dessins permettent de retracer partiellement son périple : de Florence avec les jardins de Boboli qui, comme nous le verrons l’inspireront pour l’opéra de Paris, jusqu’à la région de Naples : Ravello avec la villa Cimbrone, Capri, Pompéi évidemment et le site de Torre Annunziata avec la villa Oplontis.

Garnier demeure une figure emblématique : c’est l’ami, et quelque part aussi le mécène, en ce sens qu’il lui offre ses meilleurs contrats. L’amitié entre les deux hommes ne fait aucun doute, Garnier lui-même en attestera dans un ouvrage autobiographique sur l’opéra de Paris : alors qu’il passera très rapidement sur Carpeaux, Carrier Belleuse, il consacrera un chapitre entier à Chabaud, tâcheron génial à qui il confiera ultérieurement toute la décoration de la salle de l’opéra de Monte Carlo.

Il convient donc de revenir quelques instants sur les raisons qui poussèrent Charles Garnier à accorder sa confiance à un homme comme Chabaud.

Il faut se souvenir qu’en 1860, Napoléon III lance un concours pour l’édification d’un nouvel opéra. Les candidatures sont à déposer 6 mois plus tard avec les projets.

Si 5 projets sont retenus, et si , au final, celui de Garnier l’emporte contre toute attente, il ne faut pas oublier que le délai de 6 mois était trop court pour permettre à un architecte d’établir un plan de financement correct de l’opération.
Garnier tablait sur 15 millions de francs or, l’opéra en coûtera 33 ! Ce faisant, et même si l’architecte s’arrangera pour que la différence soit financée par des fonds privés (en particulier par la veuve de la société des bains de mers à Monte Carlo), il restera toujours suspecté d’avoir dilapidé l’argent public.

Et seule l’obstination de Garnier face à la succession de 18 ministres en charge du projet, face aux objections du coût de l’opération alors que l’on construisait dans le même temps l’Hôtel Dieu, hôpital le plus populaire de paris, permettra au nouvel opéra d’émerger finalement.

Pour cela, il dut s’appuyer sur des collaborateurs fidèles, parfois aussi composer avec des personnalités plus ou moins imposées (Carpeaux) ou des groupes d’influence tels que la franc-maçonnerie.

Opéra de Paris le grand foyerIl dut aussi employer des techniques à l’économie : donner l’illusion du luxe, de l’opulence tout en respectant un cahier des charges délicat ; il utilisa ainsi la technique en rehaussé pour le grand foyer de l’opéra, limitant l’emploi d’or à seulement ¼ de la surface visible des sculptures (le reste n’étant que de la peinture à l’huile).

À ce titre, nul doute que son amitié avec Chabaud, exceptionnel ouvrier capable de satisfaire la moindre demande sans rechigner, fut précieuse.

Il n’est donc pas étonnant de constater une certaine similitude dans le parcours des deux hommes : Garnier fut prix de Rome, Chabaud aussi.

Garnier fit appel à Chabaud pour la réalisation de ses deux opéras (Paris et Monte Carlo), pour la réalisation du casino de Vittel, pour certaines réalisations à Bordighera.

En fait, les carrières des deux hommes sont étroitement imbriquées.

Pour autant, il serait injuste de limiter la carrière de Chabaud à celle d’une sorte de rémora fixé sur le flanc de Garnier.

Chabaud fut aussi fermement impliqué sur un plan local.

Aix en Provence, allégorie de l'agriculture, fontaine de la RotondeIl réalisa ainsi l’allégorie de l’agriculture pour la fontaine de la Rotonde à Aix-en-Provence, plusieurs bas-reliefs pour le palais de justice de Marseille (le serment des jurisconsultes à la Provence, la présentation des lois à Louis Napoléon Bonaparte…), des sculptures pour le palais Longchamp à Marseille ainsi que le chemin de croix de la chapelle Notre dame de Beauregard à Orgon.

Toutefois l’essentiel de son œuvre fut centrée autour de deux édifices majeurs :

  • L’opéra de Paris
  • L’opéra de Monte-Carlo

[tab:Paris]

L’opéra de Paris

Notre voyage va commencer non pas à l’opéra de Paris directement mais au Musée d’Orsay, dans lequel une petite salle est dévolue à la construction de cet édifice et à Charles Garnier.

On y retrouve en particulier une maquette en coupe de l’Opéra qui offre plusieurs avantages :

  • le premier est de nous donner une visualisation en 3D et à taille humaine du bâtiment ce qui permet de prendre réellement la mesure du travail qui fut réalisé pendant 14 ans
  • Opéra de Paris, masques cheminéesle second est de mettre en valeur des éléments architecturaux qui sont très difficilement observables depuis le sol et je pense en particulier aux cheminées qui sont recouvertes de masques à l’antique conçus par Chabaud

Depuis la terre ferme, si l’on peut dire, on ne peut en observer qu’un très petit nombre alors qu’ils sont en réalité plus de 90, tous différents les uns des autres comme en témoigne d’une part, cette maquette et d’autre part les photographies prises à l’époque de Chabaud dans son atelier. Ces masques ne sont ni plus ni moins que des grotesques, inspirées d’ailleurs comme nous le verrons plus loin, par les grotesques que Chabaud n’avais pas manqué de remarquer et de croquer dans la région napolitaine, que ce soit à Pompéi ou à Torre Annunziata.

Le nombre impressionnant de ces masques fait directement référence aux écrits de Charles Garnier lui-même :

« Je laisse la question de la qualité et de la quantité, en me bornant seulement à dire que le talent et le nombre vont de compagnie dans les productions de mon ami Chabaud.

Ce qui fait que je détache un peu ce statuaire des autres, c’est que sa collaboration m’a apporté tant de facilités dans l’exécution que je voudrais insister sur ce point que, dans la construction des grands édifices, il y aurait toujours avantage à diminuer le nombre des collaborateurs et à placer sous une même direction des œuvres d’art le plus souvent disséminées en plusieurs mains ».

Cette phrase, extrêmement importante démontre toute l’amitié et la confiance que Garnier témoignait au Venellois.
Il la mettra d’ailleurs directement en pratique lors de l’édification de l’opéra casino de Monte-Carlo puisque l’intérieur de la salle de concert sera entièrement confié aux bons soins de Chabaud.

Paradoxalement pourtant, le Musée d’Orsay, qui regorge de documents d’archives, de plâtres préparatoires, pose une énigme certaine : en effet si la plupart des grands sculpteurs parisiens et provinciaux (je pense notamment à l’aixois Truphème) sont représentés ou cités, Louis-Félix Chabaud demeure un grand absent totalement méprisé.

Cela n’est pas nouveau puisque dans l’ouvrage publié par Nuitter en 1875, Chabaud est déjà relégué au rang de simple ornemaniste (ou ornementiste) et que la plupart de ses contributions sont passées sous silence.

Il suffit pourtant de se tenir devant l’opéra pour prendre la pleine mesure de son talent et de son côté prolifique. Au dessus de la loggia se détachent en effet 9 médaillons consacrés à des compositeurs et deux latéraux consacrés à des librettistes comportant des bustes en bronze dorés.

Chabaud s’en vit confier la conception. Et même s’il reste un doute quant à la paternité de l’ensemble de ces sculptures (Nuitter en attribue seulement 6 à Chabaud et les 5 autres à Evrard tandis que Garnier les attribue toutes à Chabaud), la prééminence des ces bronzes est notable. En arrivant devant l’opéra le regard va prioritairement se porter sur la composition de la danse de Carpeaux puis sur ces médaillons dont le clinquant ressort très nettement sur la façade de marbre.

Beethoven, Mozart, Rossini, Auber, Meyerbeer sont ainsi largement mis en valeur.Opéra de Paris, buste de Mozart en façade

Au pied des médaillons et au dessus de ceux-ci, que ce soit dans le marbre ou dans le bronze, on repère encore des masques réalisés par notre cher Venellois.

Le masque, thème récurrent s’il en est, que l’on retrouve dans le zodiaque, une salle particulièrement chère à Garnier, le lieu de passage obligé pour les auditeurs avant de regagner leur calèche, qui lui offre l’occasion d’un premier pied de nez à ses détracteurs.

Au centre du zodiaque se trouve effectivement une rosace dans laquelle une inscription entrelacée à la turque révèle à qui sait la lire la phrase suivante :

« Jean-Louis Charles Garnier, architecte, 1861-1875 »

Reste que c’est Chabaud qui fournira l’écrin à cette signature parfaitement inhabituelle.

Pourquoi 16 têtes ? nul ne le sait avec précision. Garnier avance lui-même deux explications :

  • La première étant que l’on chante dans l’opéra tous les mois de l’année et en toute saison
  • La deuxième étant que les 4 points cardinaux peuvent signifier les diverses directions du vent (l’endroit était en effet soumis à quelques courants d’air désagréables dûs au fait que pendant le va et vient des gens retiraient leurs manteaux).

Toutefois il complète immédiatement son argumentation d’un laconique « j’ai choisi ces signes zodiacaux pour choisir quelque chose et donner surtout à Chabaud l’occasion de faire encore quelques-uns de ces motifs qu’il arrange si bien et si prestement. »

En s’écartant du zodiaque et en retournant vers le grand escalier on reste saisi devant une composition unique en son genre, une statue de bronze – la seule antérieure à l’édification de l’opéra et achetée spécifiquement pour sa décoration – est enchâssée dans une véritable grotte à l’italienne, à la manière de celles que l’on observe dans les jardins de Boboli à Florence.

Dans un déluge de stucs, Chabaud s’y est livré à une folie dissimulée sous le grand escalier lui-même et qui constitue un bassin qui était encore en activité, si l’on peut dire, à l’époque du président Giscard D’Estaing. On y observait à l’époque d’authentiques nénuphars et grenouilles qui y étaient élevés à l’année et la légende veut qu’en raison de restrictions budgétaires, le bassin ait été vidé.

A partir de là s’ouvre une perspective qui part du grand escalier et… où que l’on pose les yeux on retrouve des œuvres de Chabaud : sur les parties latérales de l’escalier lui-même, dans des niches tout autour, où des figures féminines aujourd’hui appelées « les négresses » guidaient le spectateur dans les différents couloirs et galeries, plus haut en direction du plafond avec des ornements caractéristiques de sa production, encore des figures féminines ornées de couronnes (un petit peu à la manière de la statue de la liberté) … masques, motifs floraux … il n’est pas un endroit où le regard se pose où il ne soit possible de distinguer une œuvre de Chabaud.

Un autre lieu emblématique où s’illustre le travail du maître c’est évidemment le grand foyer. On y distingue des œuvres académiques : des figures féminines au dessus de médaillons représentant les différentes vertus. Toutefois la pièce est aussi l’occasion de découvrir un Chabaud plus novateur, plus en phase avec l’art nouveau. Quatre candélabres monumentaux occupent en effet les deux extrémités de la pièce, illustrant les 4 modes d’éclairage employés à l’époque dans l’Opéra : on distingue ainsi des représentations allégoriques du gaz, de la bougie, de l’électricité et de la lampe à huile.

Plus haut, au niveau du plafond, deux bustes se font face. Ils ressortent très nettement de la masse dorée par leur teinte argentée.

Le premier représente une femme : c’est Madame Garnier en Amphitrite. Le second, c’est Charles Garnier lui-même sous les traits de Mercure.

Là les choses deviennent plus compliquées. Car si la paternité de ces sculptures ne fait aucun doute, leur signification est plus douteuse.

Garnier, on le sait, fut accusé d’avoir dilapidé l’argent public, fut accusé aussi de s’être considéré comme le « monsieur Opéra » du moment. A ce titre, sa représentation en Mercure apparait comme très ironique, le Dieu étant à la fois le Dieu des voleurs et celui qui a inventé la lyre (symbole omniprésent dans l’opéra Garnier).

Toutefois il est notable de constater qu’en 1875, Nuitter dément dans son ouvrage la légende selon laquelle le buste masculin serait celui de Garnier, alors que ce dernier, en 1878, en donnera confirmation.

De part et d’autre de ces bustes on retrouve des séraphins dont le modèle resservira pour l’opéra de Monte Carlo, des masques de tragédie et de comédie ainsi que des griffons qui sont attribués à Chabaud.

Restent des pilastres et plusieurs ornements qui sont aussi l’œuvre du maître.

Garnier dans son ouvrage « le nouvel Opéra » mentionne son buste comme l’une des œuvres les plus réussies de Chabaud et chose étonnante, il revient sur la multitude de photographies, peintures, croquis et sculptures qui lui ont été consacrées, déplorant que seul le tableau de Baudry et le buste de Carpeaux soient les seuls à passer probablement à la postérité.

La salle de spectacle offre une fois de plus à Chabaud l’occasion de s’exprimer de façon plus ou moins heureuse : une fois de plus il réalise de fines têtes féminines et les enfants de l’arc-doubleau mais là salle sera paradoxalement réalisée à la hâte et ne donnera pas pleinement satisfaction à son architecte.

De même, la contribution de Chabaud pour le glacier est notable : depuis les pilastres qui servirent ultérieurement à contenir les magnifiques tapisseries d’Aubusson de Mazerolles, jusqu’au buste de Salieri en marbre (un second buste de Torelli celui-ci fut très longtemps exposé dans cette salle avant de rejoindre les archives de l’opéra).Buste de Torelli, Venelles

Chaque pilastre illustre l’un des mets que l’on pouvait consommer en ces lieux et la gageure consista, pour Chabaud, à réaliser l’ensemble sans disposer des croquis de Clairin pour le plafond, ni même des croquis de Mazerolles pour les tapisseries.

Dans l’avant foyer, de nouveaux masques nous attendent qui illustrent l’inventivité du sculpteur.

Toutefois c’est sur la façade de l’opéra que l’on observe le plus de ses œuvres : plus de 150 masques et surtout, les 22 statues lampadaires en bronze intitulées l’étoile du jour et l’étoile du soir.

L’histoire de ces torchères fit couler beaucoup d’encre : elles illustrent néanmoins la volonté de Garnier d’économiser l’argent public.

Chacune d’elles fut payée 2 400 francs au sculpteur et la réalisation en bronze couta 1500F par statue ; c’est-à-dire qu’en alternant 2 statues au lieu d’en constituer 22, Garnier réalisa une économie substantielle de près de 100 000F.

Toutefois, la répétition de la nudité posera de très nombreux problèmes aux détracteurs de Charles Garnier qui y verront une expression même de la pornographie. Un nu serait passé inaperçu au même titre que la danse de Carpeaux, 22 nus constituaient une offense à l’opinion publique.

[tab:Monte-Carlo]

C’est en 1878, à la demande de la veuve de François Blanc, principale actionnaire de la Société des Bains de Mer, que Charles Garnier est contacté pour envisager d’agrandir le casino monégasque et y construire une nouvelle salle de concert.Opéra de Monte-Carlo

Madame Blanc connaissait bien Garnier, son mari ayant débloqué en 1875 près de 5 millions de franc or indispensables pour financer la fin des travaux de l’opéra de Paris, et l’occasion allait être donnée au jeune architecte de reconstituer une équipe composée en grande partie de « Prix de Rome », parmi lesquels Louis Félix Chabaud.

Seule condition, les travaux ne devaient pas prendre plus de 6 mois !

C’est pourtant avec deux mois de retard que la salle sera livrée… splendide, mais peu adaptée aux contraintes techniques de la scène. Pour y parvenir, on raconte que plus de 2 000 ouvrier travaillèrent sur ce chantier titanesque jour et nuit, avant l’inauguration réalisée par la grande Sarah Bernhardt.

Chose amusante, alors que les travaux d’architecture avançaient, alors que Gustave Eiffel procédait à l’installation de sa charpente en acier destinée à supporter la grande coupole de cuivre, Chabaud travaillera essentiellement dans les mêmes ateliersL'atelier parisien de Chabaud parisiens qui lui avaient permis de réaliser la plupart des œuvres de l’opéra Garnier et demandera aux photographes de Delmaet et Durandelle, 4 rue du faubourg Montmartre d’immortaliser l’essentiel de son travail. Ce sont ces photographies qui permettent aujourd’hui d’identifier l’essentiel de l’œuvre de l’ornementiste et que nous restituons dans cette étude.

Chantier de l’Opéra de Monte-Carlo

Pour autant, en dépit des qualités esthétiques indéniables de la salle de concert, plusieurs modifications plus ou moins heureuses seront alors imposées pendant le siècle suivant, jusqu’à la réduction des deux tiers du lustre monumental.

En 1960, les 12 bas-reliefs de Chabaud (quatre exemplaires de chaque modèle), furent tout simplement retirés des pilastres, détruits et remplacés par des appliques.

Opéra de Monte-CarloMais à l’occasion de la rénovation de la salle, entamée en 2003, et grâce au travail exceptionnel réalisé par Patrick Varrot qui avait découvert, chez les héritiers de Louis Félix Chabaud, 3 moulages conservés depuis 1887 dans le salon du maître, les 12 pilastres ont pu retrouver leur apparence d’origine. Seule un quatrième moulage n’a pu être reconstitué, détruit par le tremblement de terre de 1909. Nous sommes néanmoins aujourd’hui en mesure d’en présenter une photographie datant de 1878 et réalisée à la demande du sculpteur.

Etrangement, cet ultime bas-relief ressemble à s’y méprendre à une autre composition conçue elle aussi pour l’opéra de Monte Carlo, de sorte qu’aujourd’hui, l’équilibre de la salle est parfaitement respecté.

En 2007, ces bas-reliefs connaîtront aussi une certaine renaissance sur la commune de Venelles puisque de nouveaux moulages seront intégrés dans les décors de la Périchole de Jacques Offenbach, et contribueront à l’accueil d’artistes internationaux tels que Marie-Ange Todorovitch et Marc Barrard dans le cadre du festival Off and Back.

Comparaison Pandore et bacchanteComparaison du bas-relief « Pandore » avec le moule d’un bas-relief représentant une bacchante à l’opéra de Monte-Carlo, reconstitués à partir des moulages conservés à Venelles chez les héritiers de Louis-Félix Chabaud.

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